En 2013, une affaire plonge l'avionneur européen Airbus dans la tourmente : la CIA soupçonne le groupe d'user de corruption à grande échelle, faussant le jeu de la concurrence face à son principal rival, le géant américain Boeing. Conscient de la menace, le PDG d'Airbus lance une vaste opération de lutte contre la corruption : l'opération "mains propres". En effet, le précédent Alstom, entreprises française visée par une plainte américaine en 2014 et finalement rachetée par l'un de ses principaux concurrents, General Electric, fait craindre le pire pour l'avionneur européen. Ce documentaire retrace cette incroyable saga où se croisent espions, magistrats et avocats d'affaires et dévoile un pan méconnu de la guerre économique impitoyable menée par les États-Unis contre ses alliés européens.
Ce que révèle l'affaire, objet du documentaire diffusé sur Arte, c'est que la puissance américaine dispose d'une arme redoutable : l'extraterritorialité de son droit. Il s'agit là du nom donné à l'ensemble des dispositions du droit américain qui peuvent être appliqués en dehors des États-Unis à des personnes physiques ou morales de pays tiers et qui couvrent des domaines aussi variés que le contrôle des exportations aux pays subissant des embargos ou la lutte contre la corruption. Selon une note des services de renseignement intérieurs français, la DGSI, si "(...) l'extraterritorialité se traduit par une grande variété de lois et mécanismes juridiques conférant aux autorités américaines la capacité de soumettre des entreprises étrangères à leurs standards (...)", leur utilisation poursuite parfois une finalité plus subtile. En effet, l'application de l'extraterritorialité permet entre autres de capter le savoir-faire des entreprises concurrentes, d'entraver leurs efforts de développement, de contrôler ou surveiller des sociétés étrangères gênantes ou convoitées et finalement de générer des revenus financiers importants". En 2014, les autorités françaises s'emparent du sujet et la Délégation Parlementaire au Renseignement (DPR) conclut, à l'issue de son enquête parlementaire, que les lois extraterritoriales américaines sont un empiètement sur la souveraineté nationale, car elles permettent finalement un espionnage paré des vertus de la légalité et constituent finalement un puissant instrument de prédation à l'égard d'entreprises, notamment concurrentes...
Les principales lois à portée extraterritoriale sont d'application variée : il s'agit par exemple d'interdire le commerce des entreprises étrangères avec les ennemis des États-Unis ("Trading with the Enemy Act"), de sanctionner la violation de certains embargos, comme celui prononcé à l'encontre de Cuba (la loi "Helms-Burton"), de lutter contre les États soutenant les groupes terroristes ou contre le terrorisme (la loi d'"Amato-Kennedy" et le "Patriot Act" ou encore de lutter contre la corruption dans les transactions internationales (le Foreign Corrupt Pactrices Act... Parmi les principales entreprises victimes de l'application de l'extraterritorialité du droit américain figure la Société Générale, sanctionnée une première fois pour des faits de violation des sanctions économiques des États-Unis à une amende de 1,2 milliard d'euros, puis une seconde fois pour des faits de corruption en Libye à une amende de 292 milliards de dollars, la société Crédit Agricole, pour des faits de non-respect des embargos américains à une amende de 787 millions de dollars ou encore la société Alstom, pour des faits de corruption en Indonésie à une amende de 772 millions de dollars. Par application du concept d'extraterritorialité du droit américain, ces trois entreprises ont ainsi été sanctionnées sur la base d'un seul lien utilisé par la justice américaine pour justifier sa compétence : l'utilisation du dollar pour effectuer des transactions